Christian REDON-SARRAZY, Sénateur de la Haute-Vienne

Une proposition de loi transpartisane au Sénat pour accompagner les élus dans la mise en œuvre de l’objectif « Zéro Artificialisation Nette » sur les territoires

L’objectif de « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN) des sols d’ici 2050, instauré par la loi Climat et Résilience d’août 2021, est essentiel pour freiner l’étalement urbain et le grignotage progressif des espaces naturels. Il exige le respect des équilibres entre les territoires et un accompagnement renforcé des élus locaux par l’Etat. 

Or, lors de mes nombreuses visites dans vos communes, vous m’avez partagé vos légitimes préoccupations face à la mise en œuvre de cet objectif. Je tenais donc à vous communiquer un point d’étape important concernant les avancées du Sénat sur ce sujet. 

Malgré la pression du Sénat et des associations d’élus depuis plusieurs mois, la première étape de mise en œuvre du ZAN s’est en effet déroulée dans la confusion et l’inquiétude des élus (le 22 octobre 2022 était en effet la date limite pour que les conférences des SCoT transmettent aux Régions leurs propositions de cibles chiffrées avant que ne commence la modification des SRADDET). 

Le Sénat a donc engagé dès la rentrée parlementaire un travail transpartisan : la mission d’information ZAN qui a regroupé des sénateurs de 4 commissions (affaires économiques, aménagement du territoire, lois et finances) issus de tous les groupes politiques du Sénat. 

J’y ai représenté le groupe socialiste, écologiste et républicain en tant que Vice-président.

Les travaux de cette mission ont permis de déposer une proposition de loi sur le bureau du Sénat le 14 décembre 2022. Composée de 13 articles, elle sera examinée en séance publique d’ici fin février. Nous demanderons à ce qu’elle soit ensuite inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, afin que la navette parlementaire puisse se poursuivre rapidement. 

Les objectifs – division par deux du rythme d’artificialisation en 2031 et atteinte d’une artificialisation nette de 0% en 2050 – restent inchangés. Le Sénat propose en revanche des outils d’accompagnement des élus pour leur mise en œuvre et des bases solides pour cette réforme structurante et nécessaire. 


I- Favoriser le dialogue territorial autour de l’application du « ZAN » et renforcer la gouvernance 

L’article 1er propose un nouveau calendrier, plus réaliste, pour l’évolution des documents de planification et d’urbanisme. Ainsi les délais de modification des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) sont reportés d’un an (soit au 22 février 2025). Et les objectifs ZAN devront avoir été intégrés aux SCoT, dans les 6 ans (et non plus dans les 5 ans) et donc, d’ici l’été 2027, et dans les 7 ans pour les PLU(i) et les cartes communales (donc d’ici l’été 2028). 

L’article 2 amène de la souplesse dans l’application des objectifs régionaux de réduction de l’artificialisation : les dispositions des règles du fascicule du SRADDET s’appliquent aux SCoT, aux PLU et aux cartes communales dans un rapport de prise en compte (et non plus dans un rapport de compatibilité). L’article 2 renforce également l’effectivité du dialogue territorial : dans les cas où les « conférences des SCoT » se sont réunies entre août 2021 et octobre 2022, elles devront justifier, avant le lancement de la modification du SRADDET, de la manière dont il a été tenu compte des observations et propositions qui ont été remontées par les communes et intercommunalités. 

L’article 3 instaure une gouvernance décentralisée du « ZAN » qui assure une meilleure représentation des élus communaux, des intercommunalités et des départements. La composition de cette « conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols » assure une représentation équilibrée des territoires urbains, ruraux, de montagne et du littoral. Cette conférence aura un rôle de suivi de la mise en application des objectifs de réduction de l’artificialisation au sein du périmètre régional, d’animation et de proposition sur toute évolution des objectifs régionaux de réduction de l’artificialisation des sols et de leur répartition territoriale. Elle est consultée dans le cadre de la qualification des projets d’envergure régionale, nationale ou européenne, et d’intérêt général majeur. 

 

II- Accompagner la réalisation des projets structurants de demain 

L’article 4 prévoit que les grands projets d’ampleur nationale ou européenne et qui présente un intérêt général majeur, sont comptabilisés séparément, au sein d’une « enveloppe nationale », afin que leur impact en termes d’artificialisation ne soit pas imputé à la Région. 

L’article 5 prévoit que les projets d’ampleur régionale peuvent être mutualisés. Les communes et EPCI, les départements pourront être force de proposition dans l’identification de ces projets. Leur mutualisation sera décidée par la Région, après avis de la conférence de gouvernance. L’article 5 précise que la fixation des objectifs de réduction de l’artificialisation à l’échelle d’un EPCI doit prendre en compte les projets d’intérêt intercommunal et les identifier dans le PLUi. 

 

III- Mieux prendre en compte les spécificités des territoires 

L’article 6 améliore la prise en compte des efforts déjà réalisés par les collectivités pour réduire leur rythme d’artificialisation. Et il propose, à compter de 2031 et pour chaque période décennale, un dispositif de « reports de droit », pour prendre en compte l’effort de réduction de l’artificialisation constaté au cours de la tranche précédente. 

L’article 7 garantit à chaque commune une surface minimale de développement communal d’au moins 1 hectare. L’article 7 prévoit également une meilleure prise en compte des spécificités de la ruralité à chaque étape de territorialisation des objectifs de réduction de l’artificialisation. 

L’article 8 prévoit en outre « une part réservée au développement territorial » au sein des enveloppes fixées par les documents régionaux, les SCoT et les PLUi pour des projets qui revêtent un intérêt supracommunal dont la réalisation impliquerait un dépassement de l’artificialisation autorisée. 

L’article 9 prévoit que les surfaces végétalisées à usage résidentiel (jardins, parcs, pelouses…) seront considérées comme non artificialisées, dans le double objectif d’inciter les constructeurs à préserver des îlots végétaux au sein de leurs projets futurs, et de ne pas pénaliser la renaturation. L’article 9 permet aux communes et EPCI de délimiter, via leurs documents d’urbanisme, des « périmètres de densification et de recyclage foncier » dans lesquels l’utilisation des espaces végétalisés à fins de densification ne sera pas considérée comme de l’artificialisation : cela permettra de mener des opérations de densification de lotissements, de recyclage des friches, de remplissage des dents creuses au sein des hameaux. 

 

Les articles 10 à 13 de la proposition de loi concernent les territoires littoraux et diverses dispositions techniques. Il est à noter que l’article 12 propose un droit de préemption pour protéger des démarches spéculatives les terrains présentant un potentiel fort en matière de recyclage foncier ou de renaturation. 

 

Le groupe socialiste, écologiste et républicain avait présenté plusieurs propositions dans le cadre du PLF 2023, afin de faciliter la mise en œuvre du ZAN. Toutes ont été rejetées par le Gouvernement. Les voici pour mémoire :

1) Expérimenter pour 2023, la création d’un fonds dédié aux communes rurales pour la mise en application du ZAN

2) Permettre aux conseils départementaux de décider d’un abattement sur les droits de mutation dus par les ménages qui acquièrent, pour leur résidence principale, un bâti existant dégradé. 

3) Permettre aux maires d’appliquer un abattement sur la taxe foncière sur les propriétés bâties due par les ménages qui ont acquis, pour leur résidence principale, un bâti existant dégradé.

4) Corriger les dérives spéculatives en agissant sur la plus-value pour réguler les prix du foncier.

5) Doter les collectivités d’outils pour lutter contre l’accaparement des biens immobiliers et permettre aux jeunes générations de rester dans leur territoire et notamment : permettre à toutes les communes qui le souhaitent, pas seulement à celles situées en zones tendues, de majorer la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (la distinction zone tendue / zone détendue étant complètement dépassée pour un grand nombre de territoires).

Articles récents