Le Sénat a choisi de constituer une commission spéciale, rassemblant des membres de toutes ses commissions permanentes, afin d’examiner le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique. L’ampleur du texte et la variété des thèmes qui y sont abordés ont motivé le recours à cette procédure.
En tant que membre de la Commission des Affaires économiques, j’ai siégé au sein de cette commission spéciale. Dans des délais rendus extrêmement contraints par un calendrier d’examen accéléré, cette commission spéciale a organisé huit réunions plénières, complétées par 21 auditions des rapporteurs et reçu de très nombreuses contributions écrites.
Nos modes de communication et de consommation, les modèles économiques de nos entreprises, l’exercice de notre démocratie… toutes les strates de notre société sont bouleversées par la révolution numérique. Ces derniers jours encore ont démontré la manière dont les réseaux sociaux peuvent amplifier une crise et propager, en quelques heures seulement, une violence partout en France. Il y a urgence à réguler les entreprises du numérique, dont le modèle économique repose sur une accumulation de données, massivement exploitées par des algorithmes aussi puissants qu’opaques. En visant à adapter notre droit à la régulation européenne sur les services numériques et sur les marchés numériques, les mesures de ce projet de loi sont bienvenues, même si elles restent encore insuffisantes.
Sur le volet économique, le texte ne suffira pas à remédier aux dysfonctionnements du marché de l’informatique en nuage (dit « cloud »). Ce marché pourrait passer de 53 milliards d’euros en 2020 à 560 milliards d’euros en 2030. Une croissance captée par les principaux acteurs américains.
Pour mieux réguler ce marché, le groupe socialiste du Sénat a obtenu un certain nombre d’avancées, notamment :
- mieux lutter contre les pratiques anticoncurrentielles (offres gratuites dites « crédits cloud », frais de sortie pour changer de fournisseur…)
- agir plus fortement sur des pratiques déloyales en interdisant la vente liée
- demander plus de transparence aux fournisseurs de cloud quant à l’utilisation des données des citoyens et de nos entreprises.
Ce texte prétend enfin apporter des réponses aux préoccupations liées à l’exposition des mineurs aux contenus pornographiques, le cyberharcèlement et la haine en ligne, les arnaques en ligne. Le groupe SER regrette qu’une partie de ses propositions d’amélioration du texte n’aient pas été retenues, en particulier :
- le renforcement de la lutte contre la pédopornographie et contre l’accès aux mineurs aux sites pornographiques : le Gouvernement se refuse à responsabiliser davantage les plateformes et à appliquer aux sites pornographiques le système mis en place pour interdire l’accès des mineurs aux jeux d’argent en ligne
- le renforcement de la lutte contre les contenus choquants et dangereux sur internet, avec l’extension des pouvoirs de police administrative de Pharos
- l’adaptation des interdictions lors d’une procédure de contrôle judiciaire à l’espace numérique, en donnant la possibilité au juge d’instruction ou au juge des libertés de prononcer des interdictions de se rendre dans certains lieux de l’espace numérique.
Notre groupe a attiré l’attention du Gouvernement sur les risques liés à la complexité de la régulation du numérique. La mise en œuvre de ces nouvelles mesures doit être guidée par un rééquilibrage des forces en faveur des citoyens, la préservation effective de leurs droits.
Compte tenu de ces avancées, j’ai voté, avec mon groupe politique, en faveur de ce projet de loi.